Agnès Pyka : Voyage avec un violon seul

29 Janvier 2022 | Audiophile

C’est un voyage dans le temps que nous propose la violoniste Agnès Pyka avec ce nouvel
enregistrement paru chez Klarthe. Un grand écart pour rallier quatre siècles de musique
avec un violon solo.

Pour l’artiste, c’est un moyen de s’évader, de trouver une dimension qui échappe aux lois
du confinement sanitaire.

Agnès Pyka aime d’ailleurs trop les projets singuliers, et ce dernier n’échappe pas à la
règle, avec une programmation qui a de quoi surprendre : commencer par la Partita 2
BWV 1004 de Bach, puis poursuivre avec l’écho d’une œuvre contemporaine comme la
Passacaille et variations de Thierry de Mey, pour finir avec la SonateMonologue d’Aram
Khatchaturian.

Dans la série désormais fournie des travaux introspectifs de la Covid 19, ce nouvel opus
est manifestement conforme à ce sentiment général de repli sur soi. Je pense que c’est
important de garder cet élément contextuel pour pouvoir juger de l’intérêt artistique de ce
disque.

Les défenseurs du royaume et de l’esprit de Bach pourront trouver à y redire. Il n’empêche
qu’il y a parfois davantage d’intérêt dans une relecture, que l’interprète s’approprie
vraiment, que dans l’énième tentative de toucher d’un peu plus près la « vérité » ou le
divin…

Sans doute y a t’il un peu trop de réverbération et moins d’effet 3D aurait peutêtre été
plus approprié ici. Mais la réverbération renvoie aussi directement à cette idée de vide et
d’isolement, et c’est à mon sens le ressenti qui émane de cet enregistrement. Agnès Pyka
nous propose certes un voyage dans le temps mais aussi un cheminement intérieur teinté
de tristesse et de solitude.

La Passacaille et variations de Thierry De Mey nous propulse en avant dans le temps. Et
en même temps, elle nous offre une perspective totalement baroque avec cette suite de
danses que l’on comprend ici comme un écho lointain de la sonate pour violon seul de
Béla Bartok et des partitas de Jean Sébastien Bach.

La SonateMonologue d’Aram Khatchaturian incarne plus directement les sentiments de
l’interprète. Quoi de plus évocateur de la solitude en effet qu’un monologue ?
Un monologue, mais aussi une lamentation aux accents arméniens qui se termine en
interrogation mystique.

Voici encore un travail éminemment personnel, dans lequel la violoniste ne se prête pas
aux faux semblants. Plus qu’un simple fil directeur, c’est un tout. Un moment intime qui,
s’il ne mettra certainement pas du baume au cœur, touchera l’auditeur et lui rappellera
qu’il y a différentes façons de voyager. Le violon moderne et l’articulation baroque d’Agnès
Pyka nous permet de la faire en charmante compagnie.

Par: Joël Chevassus